Octobre 2023
« J’ai commencé à travailler à L’Arrêt-Source en mars 2022 comme intervenante sur la liste de rappel pour l’hébergement, j’ai travaillé ici en remplacement pendant 1 an. Et puis en mars 2023, j’ai eu l’occasion d’avoir le poste au service externe afin de remplacer une collègue en congé maternité. Aux services externes les femmes accompagnées ont 18 ans et plus, ce service est ouvert pour les femmes de tout âge. L’âge n’a pas d’importance, certaines ont plus de 40-50-60 ans, en revanche, elles vivent toutes ou ont toutes vécu de la violence d’une ou plusieurs formes ou en subissent encore les conséquences. »
« J’ai fait un Cégep en sciences humaines et par la suite je suis allé à l’université où j’ai fait un certificat en action communautaire et en victimologie.
La victimologie fait partie des sciences criminelles, c’est l’étude de tout ce qui est relié à la victime, de la relation victime-agresseur, aux diverses conséquences de la délinquance sur la victime, à la prise en charge, etc.
L’action communautaire c’est tout ce qui est relié aux organismes, à leurs fondements, à leurs pratiques et aux cadres institutionnels dans lequel ils évoluent.»
« Ce qui m’anime c’est de pouvoir soutenir les personnes vulnérables face aux problématiques qu’elles rencontrent, de les soutenir dans leur démarche pour les accompagner vers un chemin meilleur pour elles, plus serein et de pouvoir apporté à mon niveau, un peu de bonheur dans leur vie. »
« C’est une cause qui me tient à cœur, qui me touche particulièrement en tant que femme, en tant que mère et conjointe. Vivre de la violence ça peut arriver à n’importe qui, à n’importe laquelle d’entre nous. »
« Comme je travaille aux services externes, j’adapte vraiment mon horaire aux besoins des femmes que j’accompagne. Je peux les recevoir directement au bureau du service d’aide à l’externe, aller à leur rencontre ou les soutenir par téléphone aussi. Parfois j’ai 3 à 4 suivis dans la même journée, mon rôle c’est de créer un lien de confiance, d’être un filet de sécurité pour les femmes qui nous demandent de l’aide.
Parfois on m’appelle pour me dire « je ne me sens pas bien, je me sens triste, etc. », je peux avoir les femmes au téléphone ou encore par zoom pour celles qui ne peuvent pas se déplacer. Parfois de simplement voir la voiture de leur ex-compagnon qui était violent peut faire remonter des traumatismes, les déstabiliser, créer de la panique donc je suis là pour les soutenir dans la gestion de leurs émotions et les impacts de cela dans leur quotidien.
Je fais aussi des accompagnements à la cour pour de l’aide juridique, je peux les aider à faire des papiers d’IVAC (Indemnisation des Victimes d’Actes Criminels) et de CAVAC (Centre d’Aide aux Victimes d’Actes Criminels) par exemple, je m’adapte vraiment aux besoins des femmes. »
« Au quotidien je vois vraiment la souffrance des femmes, l’impact des violences qu’elles ont vécues, celles que leurs enfants peuvent avoir vécu aussi, en effet les femmes accompagnées au service d’aide à l’externe sont parfois aussi maman. Malgré toute leur bonne volonté à faire au mieux, elles ont une réelle peur de perdre la garde de leurs enfants. »
« Oui, j’en vois tous les jours des changements positifs dans la vie des femmes. Le fait de venir parler, de faire un suivi avec une intervenante c’est déjà un changement positif dans leurs vies. Elles ont la volonté de travailler sur les violences qu’elles ont vécues. C’est déjà beaucoup d’accepter d’être aidée, de faire confiance à nouveau.
Je me rappelle d’une jeune femme qui est venue aux services externes, en discutant j’ai vu qu’elle avait des symptômes de dépression donc je lui ai proposé d’aller consulter un médecin, ce qu’elle a accepté. C’était important pour sa stabilité, c’était une première étape. À la suite de cela, elle m’a parlé des violences qu’elle vivait chez elle, dans sa famille, chez ses parents. C’était toxique, au point qu’il a fallu trouver une solution d’hébergement pour elle Je l’ai accompagnée dans ce sens, elle a ensuite été hébergée dans une de nos maisons, où elle a réappris à vivre dans un environnement sain. »
« Ce que je viens de raconter ça en fait partie : créer un lien de confiance pour soutenir les femmes dans leurs quotidiens, dans leur prise de décision pour elles-mêmes, c’est quelque chose dont je suis fière.
Les femmes que l’on accompagne ont une grande force, parfois elles ne s’en rendent pas compte. Travailler avec elle pour qu’elles voient tout ce qu’elles ont accompli, c’est important. »
« Je parlais de la capacité des femmes à prendre les décisions pour elles-mêmes, je me rappelle une femme qui avait vécu de la violence de son conjoint pendant plusieurs mois, elle l’avait quitté parce qu’elle s’était rendu compte de la violence qu’il lui faisait subir. Pendant cette période délicate, elle a été accompagnée, elle a continué de faire des suivis aux services externes pour poursuivre son travail sur l’impact des violences qu’elle a vécues.
Quelques semaines plus tard, elle a rencontré quelqu’un, on pourrait se dire que c’est rapide, mais ce n’est pas à nous de décider de cela, c’est à elle de prendre ses propres décisions. Je lui ai simplement conseillé de mettre « ses lunettes de radars », ce qui veut dire « c’est à toi de voir ce que tu veux, d’apprendre à te connaître, à le connaître et de voir si cela te convient ou non comme relation ».
Quelques semaines après, lorsque je la revois en suivi, elle m’annonce finalement qu’elle n’est plus avec lui parce qu’elle s’est questionnée sur ce qu’elle voulait et elle s’est rendu compte qu’elle n’était pas prête pour une autre relation dès à présent. Elle a fait ses propres choix, elle a su exprimer ce qui lui convenait ou non, c’est un grand pas, une belle réussite.
Pour certaine, la violence est tellement quotidienne que c’est presque devenu une habitude. Lorsqu’elles viennent nous voir, on leur montre le cycle de la violence, les formes de violences qui existent. Ensuite lorsqu’elles nous parlent de ce qu’elles vivent ou de ce qu’elles ont vécu, elles se rendent compte, parfois surprises : « J’ai vécu tout cela, j’ai survécu à tout cela, mais c’est de la violence. Pourquoi je n’avais pas connaissance de cela ?”
Il y a une véritable méconnaissance dans la société de toutes les formes de violences qui existent aujourd’hui. »
« C’est un métier qui a son lot de difficulté, mais ce que je trouve le plus difficile c’est parfois le sentiment d’impuissance. On aimerait aider encore plus les femmes, mais on doit respecter leurs décisions, prendre en compte le temps dont elles ont besoin. »
« Chacun peut faire quelque chose pour faire avancer la cause, faire un don, contribuer au financement des services professionnels offerts comme le font les maisons d’hébergement, c’est essentiel. Et puis, on peut s’informer sur les formes de violences qui existent et travailler à changer nos comportements par exemple. »
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